Etrange sensation de honte

Publié le par abou

Quelle étrange sensation de souhaiter vivre de telles tragédies pour la simple envie d’être capable d’écrire de telles poésies.

Ce soir je me surprends à presque regretter, même le temps d’une seconde, de vivre paisiblement, dans un pays tranquille de liberté.

J’ai honte. Véritablement. Et pour deux raisons.

 

La première est d’envier la guerre pour le flot de sensations qu’elle engendre ; le flot des états d’âme aussi divers que variés, restant dominés par la peur. ; de ces flots de pensées jaillissent les questions existentielles qu’un homme en situation de fragilité extrême commence à se poser. Suis-je vivant ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Que fais-je ici ? Où, comment et pourquoi vais-je mourir ?

Ces interrogations ne me préoccupent que trop peu. Sans doute car rien n’est actuel dans ma vie pour me rappeler que ma mort peut se présenter à chaque tournant, dans chaque rue. La prise de conscience paraît bien lointaine et fugace. Ou si ces préoccupations me travaillent, les réflexions qui s’en suivent stagnent, scotchées aux parterres des chemins, trop lourdes de paresse pour s’élever. S’élever aux réalités de notre monde.

Que proclamer d’autre à ce moi qui se plaint, même une fraction de seconde, qu’ « Honte à toi, qui expliques avoir besoin de crises et de larmes pour ressentir et écrire les fondements de la vie, les basculements de ta vie. Honte à toi ! »

Comment n’ai-je pas pleinement confiance en mes faits et gestes du quotidien pour susciter cet insaisissable besoin d’écrire.

Ces écrits, écho d’un remède ancestral, n’emprunteraient alors rien ainsi aux poisons des épidémies humaines des peuples ennemis. Ces écrits, relatifs à la chance de vie que je mène, auraient pourtant leur juste place.

Me rendre consciente à l’aujourd’hui, aux lieux, aux personnes, par mes cinq sens ; me donner d’avantages de temps pour écouter le baromètre de mes ressentis ; creuser lorsqu’en surface la terre renvoie l’image de la tranquillité ; Plonger dans les eaux profondes puis remonter à la surface, les courants d’eaux froides, les courants d’air chauds ; apprivoiser lentement les bans de poissons et d’oiseaux qui se laissent porter par les bas fonds de mon existence et dans les hauteurs de mes rêves. Rien n’est idéal, mais rien n’est illégal en termes d’attention à ses propres motions intérieures. La légitimité de cette écoute perpétuelle et active réside en partie dans le bien être vers lequel elle nous dirige transformant ainsi ces ressentis factuels en un véritable levain pour la pâte qui peut par la suite être libérée.

 

La seconde raison qui provoque en moi cette honte qui me heurte est cette sous-entendue croyance qui présume que le seul battement de cœur du aux lourdes appréhensions de devoir mourir soudainement et dans l’inconnu, que cette sous-entendue croyance suffise à rédiger une telle prose poétique. Quel dénigrement du talent de l’homme ! Quelle prétention. C’est sous-estimer l’art majeur nécessaire qui conjugue sur le papier les mots jetés depuis le fond de l’âme et ceux que les lecteurs sauront comprendre. L’art indispensable pour leur permettre d’appréhender de quelques pas, si ce n’est de scruter de manière plus engageante la batille du cœur, du corps et de l’esprit à l’instant du partage par l’expression de ces mots. C’est minimiser le travail entier de l’auteur et le réduire à la condition d’esclave des lieux et événements que fréquentent la personne.

Ce qui se dégage de cette œuvre se place à la cime des qualités de celui qui marie la mémoire de l’oubli et la peur de l’aujourd’hui.

Si cette mémoire touche ses propres impressions, elle englobe ceux qui par ce don de l’écrivain peuvent mourir dans l’oubli. Ainsi, ce que l’un a reçu en plénitude, donne vie à la multitude. Puissent-ils écouter, admirer, représenter ceux qui par leurs mots nous font rêver. Ces rêves brûlés par le soleil du petit matin, comme ceux retenus dans l’inconscient qui pourront être à nouveau rêvés.

 

Libérée un peu de cette honte qui t’habitait il y a quelques heures, tu commences à comprendre. Alors prends ton crayon et inscris en lettres majuscules.

 

Inscris

 

JE SUIS ICI ET MAINTENANT.

JE SUIS AVEC LE TEMPS.

 

Suite à la représentation de Darwich Deux textes

L’indien rouge et la mémoire de l’oubli,

à la maison de la poésie, le 24 octobre 2009

Publié dans Songes

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