Chanson pour Fougère

Que sais-tu des plus simples choses

Les jours sont des soleils grimés

De quoi la nuit rêvent les roses

Tous les feux s'en vont en fumée

Que sais-tu du malheur d'aimer

 

Je t'ai cherchée au bout des chambres

Où la lampe était allumée

Nos pas n'y sonnaient pas ensemble

Ni nos bras sur nous refermés

Que sais-tu du malheur d'aimer

 

Je t'ai cherchée à la fenêtre

Les parcs en vain sont parfumés

Où peux-tu où peux-tu bien être

A quoi bon vivre au mois de mai

Que sais-tu du malheur d'aimer

 

Que sais-tu de la longue attente

Et ne vivre qu'à te nommer

Dieu toujours même et différente

Et de toi moi seul à blâmer

Que sais-tu du malheur d'aimer

 

Que je m'oublie et je demeure

Comme le rameur sans ramer

Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure

A s'écouter se consumer

Connais-tu le malheur d'aimer

 

" Le voyage de Hollande et autres poèmes "

Poèmes " Chanson pour Fougère "

Aragon

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